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Sous le soleil exactement

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Depuis lundi, Ittoqqortoormiit baigne sous le soleil.
Hier, les températures étaient largement au dessus de 10° C, l’été s’est installé pour quelques jours dans cette partie de la côte est du Groenland. Mais selon Erik, mon hôte, qui travaille depuis plus de quinze ans à la station météorologique de la ville, il pleut de plus en plus, depuis plusieurs années, pendant cette saison. Les prévisions à venir lui donnent raison.
Selon lui, ces journées ensoleillées étaient autrefois monnaie courante. Mais depuis quand les choses changent-elles ? Quelles tendances peut on observer ?
Je vais bientôt interviewer Tore Andreassen, le chef de la station, pour en savoir plus sur ces évolutions avec des données précises.
En tout cas, ce soleil est de bon augure pour affronter les difficultés de la mission. Elles sont principalement dues à la barrière de la langue et de la culture. Peu d’Inuits parlent anglais puisqu’ils ont été colonisés longtemps par les danois et contraints d’apprendre cette langue.
D’autre part, il faut se faire accepter ici par les adultes, ce qui n’est pas une mince affaire. Avec les enfants, c’est immédiat. Il s’agit de donner du temps au temps ce qui est très bien, mais difficile avec nos contraintes à tous. Mais je dispose encore d’une douzaine de jours sur place, alors tout est possible.
À partir de demain je vais recevoir le soutien de Lea, l’une des filles de mes hôtes,qui est traductrice. À Ittoqqortoormiit, le monde est tout petit et les liens de parenté presque illimités depuis la fondation de la ville.
Grâce à elle, j’espère dénouer plusieurs situations :
– Réussir à expliquer aux chasseurs professionnels, qui ne sont plus que dix dans la ville, en quoi consiste mon projet. Même si d’ici mon départ, je ne réussis pas à les rejoindre dans le fjord où ils chassent et opèrent actuellement des marquages de narvals pour des biologistes danois, au moins j’aurai pu leur communiquer le but de ma démarche.
C’est en ce moment la pleine saison de cette activité pour eux. Elle a démarré très tard cette année à cause d’un englacement assez exceptionnel rendant toute navigation dans le fjord difficile. Ils mettent donc les bouchées doubles, jusqu’à la fin du mois d’août, pour achever le programme scientifique très rémunérateur pour eux et capturer aussi suffisamment de proies afin de les vendre ou les congeler pour manger l’hiver prochain.
– Réussir à interviewer des adultes en consultation à l’hôpital, au supermarché, à leur domicile. En dehors ce cette barrière de la langue, les Inuits sont souvent timides, réservés et prudents face à nos caméras, ce qu’on peut comprendre. Mais une équipe de la télévision danoise, la DR, vient de réaliser sur place toute une série de reportages sur Ittoqqortoormiit qui seront bientôt diffusés sur leur antenne.
Lea était leur traductrice, et à part les chasseurs dans le fjord, le trio a réussi à faire à peu près tout ce qu’il souhaitait. il faut dire que le journaliste est très connu au Danemark et apprécié par le public. Comme les habitants de la ville regardent tous essentiellement la DR, cela a certainement facilité les choses. La KNR, la télévision groenlandaise, n’en est qu’à ces balbutiements et elle se trouve sur la côte ouest, ou l’on parle, en plus, une autre langue.
– Parvenir à interviewer des adolescents inuits puisque la rentrée a eu lieu ici la semaine dernière. Il est très important de recueillir leurs témoignages. Avec les enfants, ils représentent presque la moitié des 450 âmes de cette ville, assez isolée. Presque tous connectés à Internet en 3G via leur téléphone mobile, ils vivent à Ittoqqortoormiit entre tradition et modernité. Ce n’est pas une situation facile, car dans certaines familles de grandes distances se créent entre les générations. C’est pourtant cette génération qui grandit dans un nouveau contexte, avec de nouvelles attentes, de nouveaux espoirs et de nouveaux besoins. Ils devront continuer à construire ce jeune pays qu’est le Groenland, en essayant de résoudre ces difficultés, négocier ce changement de cap. Peu ou prou, on est en train de passer ici de la survie, à la vie.
Comme me le faisait remarquer, l’une des blogeuses qui suit mes posts, dans ce cadre, nos échanges sont aussi autant de soutiens, de passerelles de partages importantes pour ces adolescents dont certains se retrouvent en difficulté dans ce grand écart sociétal. Le risque est qu’ils fuient définitivement vers les villes ou qu’ils s’enkystent ici, dans la souffrance et l’alcool.
Finalement, avec le recul de ces derniers jours et ce soleil, je crois que ce sont ces rencontres avec les adolescents qui sont les plus importantes pour Greenlandia.
En attendant de vous en dire plus sur ces trois points, voici une sélection des images du musée et du fjord prises ces derniers jours. Même si c’est mon métier, les mots manquent toujours pour décrire ce que nous avons pu admirer aussi bien que des photos, qui elles mêmes sont en dessous de la réalité…
À bientôt !
Jarius !

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