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Jeudi 4 octobre 2007

Jeudi 4 octobre 2007

Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’avoir acquis une nouvelle conviction sur une chose. Nous arrivons quelquefois à avoir un pouvoir sur les évènements. Ici en arctique, là ou souffle le Borée, le vent du nord, si tu ne te prends pas en main, tu peux rapidement sombrer dans une mollesse qui conduit très vite à la déprime voire pire. Tu dois être actif, te trouver des occupations qui te font bouger et te bouger.
Aller sur la banquise ou faire un travail dans le froid quel qu’il soit, t ‘apportes à chaque fois une satisfaction. Après tu n’as plus de problèmes pour gérer le mental dans l’instant présent, puisque que tu es occupé. Occupé mais pas stressé. Tu fais ton job du moment en prenant ton temps. Un peu à la manière d’Audun qui avant chaque geste réfléchit. Comment faire mieux, y-a-t-il une autre solution ? Sans devenir autiste pour autant, se payer le luxe de vivre les choses à un rythme normal, de prendre le temps de réfléchir, je trouve que c’est tout simplement extraordinaire. Et sain.
Ici, sur la banquise on a vite fait de se laisser aller. Il faut s’imposer un rythme, à fortiori quand on n’a pas le moral. A terre, lorsque je travaille au bureau tout va tellement vite, trop vite. Ce n’est pas un problème de rythme, mais au bout d’un moment je trouve que tu n’arrives plus à avoir du recul sur les choses, sur toi. Tes rapports avec les autres. Tu n’as plus le temps de décanter.
L’intérêt ici, c’est que chaque jour tout apporte chaque fois son lot de nouveautés. Je me sens des affinités fortes avec les personnes d’ici.
C’est tellement agréable quand la bonne volonté est là naturellement et un esprit de franche camaraderie. Tellement plus facile dans ce contexte, de faire des efforts pour s’entendre avec les gens, de leur montrer qu’on les respecte. D’abord en faisant ce qu’on attend de nous dans la communauté, sans imposer ses idées. A l’écoute, tout en donnant son point de vue.
Bref, c’est très intéressant de se retrouver comme ça en communauté, devoir compter sur toi et aussi sur les autres. Car là où nous sommes, dans ce grand désert blanc, un esprit de corps est pour moi impératif, indispensable. Même instinctif.
A part ça, on s’achemine tranquillement vers la nuit polaire, qui doit être complète à la fin de la semaine. Pour l’instant, on finit de ranger la soute avant avec Audun, et puis j’écrirai un log sur nos deux chiens, Tiksi et Zagrey, demain avec Hervé B.
Aujourd’hui le banhā était particulièrement chaud. Sasha, notre scientifique russe de
St-Petersburg, a fait bouillir la marmite jusqu’à 100°C. Je suis sorti de là, avant de m’administrer trois sauts d’eau glacée sur la tête, avec l’impression d’un léger vertige.
Il faut aller doucement avec tout ça à mon avis.
Le plus important en arctique est d’être patient, affirme la phrase d’un russe manuscrite sur un petit drapeau dans le PC COM’ de Tara. Je crois que c’est absolument vrai et je complèterai par de l’autodiscipline pour s’astreindre à un minimum d’activité.
Maintenant que le camp autour du bateau est presque totalement récupéré et rangé, avec en plus l’arrivée de la nuit, il y aura forcément moins d’activité à l’extérieur. Il faudra donc rester vigilant sur les dégâts de la paresse. La glace est un antidote. A moi de savoir m’en servir.
Sinon, pas de tensions pour l’instant entre nous. Samedi ou dimanche prochain, suivant la météo, il est question d’un barbecue arrosé de quelques bières pour fêter le dernier rayon de soleil. C’est une idée de Grant, le chef de base. Du bonheur et de l’originalité : un barbecue sur la glace. Deux éléments que tout oppose et que l’homme réunit le temps d’une soirée.
Le banhā m’a cuit, je crois que je vais avoir un sommeil profond.

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