Vendredi 9 novembre 2007
Ce soir, j’ai l’impression que nous commençons à être sous l’effet de la nuit polaire. Un brin déjanté, voire irascible par instant ou carrément speed, c’est ce que je ressens. En ce qui me concerne est-ce la nuit ou la fatigue qui est à l’origine de cet état ? Difficile de le dire ?
Je dors bien, là dessus il n’y a pas de doute. On s’observe puisque la majorité d’entre nous, vie cela pour la première fois.
En skiant sur la banquise aujourd’hui, je pestais intérieurement sur tout. Les appareils photos dont les batteries tombaient à plat vitesse grand v. Pourtant c’est l’effet du froid, normal.
Puis je reprenais ma colère intérieure sur Minh Ly cette fois. Intronisée guide de randonnée, elle nous laissait à peine le temps d’admirer le panorama de Tara perdu dans sa nuit. J’ai l’impression que je ne suis visiblement pas le seul à me sentir un peu bizarre. A cran.
En tout cas mes yeux me piquent, je suis fatigué et je n’ai pas eu le courage aujourd’hui de faire plus de quelques photos noir et blanc. Je n’étais pas non plus très inspiré. J’ai l’impression de refaire les mêmes photos. Je crois que la corvée de glace ce matin, plus le ski tout cet après-midi, m’ont fatigué. Au moins je vais dormir cette nuit encore comme un bébé.
Le fait dominant de cette semaine a été cet ice-break, cassure de la banquise, dans la nuit de dimanche à lundi.
Après cet épisode, tout le reste de la semaine, la glace a continué à se compresser, casser, bouger pour finalement se ressouder.
C’est ce qui nous a permis de faire cette ballade cet après midi au milieu des hummocks (blocs de glace qui sortent verticalement de la banquise). On avançait prudemment, mais la glace était largement praticable en toute sécurité.
Le peu de lumière qu’il y avait, fournissait quand même à la glace de quoi s’illumimer. Il y avait des blocs impressionnants. Ça laisse imaginer les pressions et la puissance qui est libérée pour rompre de tels murs de glace.
La vie a bien trouvé son rythme maintenant : es banhās, les corvées et les sorties quand c’est possible. Régulièrement, on fait aussi des fêtes. C’est bon pour le moral des troupes.
Hier soir Audun et Astérix nous ont présenté leur modèle de prévision de la fin de cette dérive. Pour eux, si les conditions météo restent les mêmes les jours qui viennent, on devrait passer le 80° Nord entre la mi et la fin décembre. Ceci ne veut pas dire que l’on sera sorti des glaces pour autant.
Suivant qu’on soit près du Groenland ou du Spitzberg, tout peut changer. La banquise longe presque toute la côte est du Groenland jusqu’à l’Islande. Donc par 80° N, on est toujours dans la glace côté Groenland alors que côté Spitzberg, on est en eau libre.
Nous continuons ce samedi une route nord-ouest. La route du sud n’a donc pas l’air encore d’actualité. La dérive transpolaire aurait-elle changé ? L’autoroute du sud est-elle bloquée ?
Le réveil ce matin a été difficile. Après presque neuf heures de sommeil, on a presque du mal à s’extirper de la couchette. Incroyable. Une véritable hibernation. Sommeil profond en plus. Dehors il fait bien noir ce matin, plus de ciel étoilé.
Hier, on a vu un début d’aurore boréale. Mais avec le ciel nuageux comme ça, ça n’est pas évident d’en voir. Autre question sans réponse. Dame nature décide beaucoup de choses ici. C’est ainsi.