logo

Journal de bord

03 Déc 2007

Dimanche 30 septembre 2007

Aujourd’hui c’était dimanche. Jour de détente plus prononcé que les autres. Aussi parce que l’équipe à terre de Tara Arctic, les parisiens, sont en week-end. Il y a donc beaucoup moins de communications.
Pas de phénomène météo particulier. Un très beau coucher de soleil. Des nuances de roses et de bleus.
On a été installé avec Minh Ly son appareil photo pour prendre des vues fixes. Conversation sur ma vie familiale. Etonnant, je me suis retrouvé à raconter ma vie comme ça à une femme que je connais à peine. Ça fait à peine une semaine que je suis là.
Elle a la faculté de mettre en confiance. C’est vrai que dans ce contexte, je parle assez facilement de ma vie, mais là je me suis surpris moi-même. Minh Ly est sympa.
Après un bon poisson au four « New-Zealand made » concocté par Grant ce midi, l’après-midi a été consacré à finir le nettoyage des environs du camp : Parachutes, drums de kérosène.
Les parachutes étaient restés collés sur les palettes larguées par un avion russe. Collés par le gel, par le froid. On tire et on coupe la toile ou les cordes, avant de ranger tout ça sur le scooter.
Pour les drums, avec Sam, le chef mécano, on a la bonne technique maintenant. On en a déplacé une bonne quinzaine en moins d’une heure je crois. On s’est servi encore du scooter des neiges. Pratique.
Mais ce soir en prévision d’une grosse tempête annoncée on a remis le scooter sur le pont de Tara. Avec sa remorque. Les winchs du bateau sont électriques alors on s’en est servi comme d’un treuil. Ça laisse rêveur une telle puissance électrique. Mon petit voilier Kendalc’h avec ses 6 mètres 20 et ses petits moulins à café manuels, en serait vexé.
À la fin du dal-bat (lentilles corail indienne) de ce soir, Grant a tenu à prévenir l’équipage des risques de rupture de la glace. Hervé ou lui devront être prévenus pendant les quarts en cas de rupture des floes (plaques de banquise). Le contenu de la tente de survie sera aussi rapatrié dans le bateau : panneaux solaires, matériels scientifiques divers.
Après avoir collecté l’eau douce du bord dans un trou toute la semaine, Elie, Hervé et moi, « mon team », nous serons en charge cette semaine des poubelles, du nettoyage du bateau et des toilettes. On a peut-être eu de la chance de faire l’eau cette semaine car avec la tempête ça pourrait être moins agréable.
L’autre activité consiste en « cooking, service, and dishes ». Cuisine, service à table, et vaisselle. Ce sera pour la troisième semaine. Nous tournons par groupe de trois. Nous sommes dix à bord. Marion alterne la confection des plats avec les trois groupes, mais reste en dehors des équipes. En une semaine, depuis l’arrivée des nouveaux hivernants, la vie du bord s’est rapidement organisée.
Les jours raccourcissent aussi considérablement. Normalement, le soleil ne franchira plus l’horizon à partir de vendredi. Nous rentrerons alors progressivement dans la longue nuit. Une nouvelle aventure dans l’aventure. Je ne redoute pas particulièrement. On verra.

02 Déc 2007

Vendredi 28 septembre 2007

Je suis une vraie marmotte. J’ai encore dormi mes 10H facile. Je me suis réveillé ce matin à 9H30. A l’avenir je mettrais le réveil pour changer de rythme. Ce matin, démarrage assez calme. Petit-déj’ avec porridge et thé, as usual.
Après on s’est un peu cassé la tête avec Minh Lih, le médecin du bord, pour comprendre comment transférer des images vidéos vers l’ordinateur. Ça nous a bien pris une bonne matinée, mais on y est arrivé. Chaque fois que j’enregistre des images, je peux maintenant les assembler, les monter facilement.
Sinon, cet après-midi après avoir dégonflé et ranger une annexe dans la soute avant, nous sommes partis avec Grant en moto neige pour ramener des « drums » (bidons de kérosène) au camp de base autour du bateau.
La lumière était particulièrement belle cet après-midi. Un soleil rasant l’horizon, des couleurs pastels, des contre-jour jaune d’or avec du coup une glace dorée. Un spectacle encore différent mais tout aussi beau que les précédents.
Même si le plus beau reste pour l’instant le parhélie de mardi, avant la dernière rotation du Twin-Otter. J’ai stocké quelques images avec la caméra on les enverra à Paris.
Côté image d’ailleurs, je deviens difficile. Les beautés naturelles qui nous entourent, jouent la surenchère alors on en attend toujours plus. Avant l’arrivée de la nuit polaire, on apprécie surtout la lumière et les derniers rayons du soleil.
On s’est d’ailleurs arrêté souvent avec Grant pour prendre des photos, tout en travaillant. Le coucher de soleil avec le bateau devant et les glaces à perte de vue autour, encore une carte postale de plus inoubliable.
Des fois les glaces avec leur reflet bleu ajoutent un nouveau ton à cette palette de couleurs déjà remarquable.
Le bateau aussi dans son emballage de glace paraissait surgir d’une autre planète. Un bateau posé sur la glace en plein soleil avec derrière lui la lune. Vision presque irréelle. Image de science fiction. Du coup la lune me paraissait plus proche.
J’ai décidé aujourd’hui que je ferai mon yoga les soirs de quart. C’est le seul moment de libre finalement. Car le reste du temps les journées sont bien remplie. Entre les corvées du bord, les choses à organiser pour la vie du bateau, il reste à peine le temps de tourner quelques fois des images ou écrire un log.
J’ai du mal à remplir ce journal de bord régulièrement. Il faut donc que je trouve comment m’organiser petit à petit. Hier et avant-hier soir, je me suis amusé à découvrir puis apprendre à monter les images que j’ai tournées les jours précédents. Sympa. Il ne nous restera qu’à les compresser avec les interviews avant de les envoyer par satellite.
Lundi, une tempête devrait nous passer dessus. Des vents de 25 nœuds voire 30 sont prévus. Première tempête sur la banquise. Demain cela fera une semaine que j’ai mis le pied sur Tara. On ne peut pas dire qu’on s’embête. Les jours me paraissent chaque fois différents. C’est bien, je ne ressens pas pour l’instant de routine. Le dépaysement reste total, et les relations à bord sympa.

02 Déc 2007

Mardi 25 septembre 2007

Aujourd’hui finalement l’avion a pu décoller de Longyearbyen. Les sortants du jour, ceux qui vont nous quitter, sont Romain, le directeur logistique de l’expé et l’équipe de télévision guatémaltèque avec Steve, le cameraman, que je vais regretter.
Déjà on parlait espagnol et en plus on connectait bien. Sur le plan professionnel bien sûr, on est tous les deux cameramen, mais surtout humainement.
Comme d’habitude après le décollage, le pilote a envisagé de se poser si le besoin s’en faisait sentir sur Station Nord au Groenland. Une base de repli.
Mais à une heure de son survol de Tara, le ciel s’est totalement dégagé offrant aux sortants un beau cadeau avant leur départ.
Un parhélie descendant. Le soleil entouré de deux débuts d’arc en ciel à équidistance sur la glace. Un condensé d’optique et de sciences physiques. Un émerveillement pour les yeux. Je suis resté plus d’une demi-heure avec la caméra pour essayer de capturer cet instant qui s’est prolongé plusieurs heures. Mais j’imagine que nous ne sommes pas au bout de nos surprises de ce côté. J’étais très ému en tout cas. C’est le genre d’événement qui donne tout à fait un sens à ma présence ici. Ces phénomènes naturels me fascinent.
Finalement avec cette lumière et ce ciel totalement clair, l’avion a pu atterrir sans difficultés. Il a déchargé sa cargaison de vivres, avant d’embarquer une bonne partie du matos scientifique et les trois sortants.
Ce jour marque véritablement le début de l’hivernage. Puisque c’est à partir de là que nous nous retrouvons à dix. Les dix de cette nuit polaire. La deuxième pour Tara.
D’aventure, nous sommes passés à la Grande Aventure.
Nous devons désormais vivre au mieux en autarcie, puisque quoiqu’il arrive la venue des secours prendraient au minimum plusieurs jours. Ne compter que sur nous. La vie et la survie de chacun dépendent désormais des autres.
Une nouvelle communauté voit le jour sur la banquise.

01 Déc 2007

Dimanche 23 septembre 2007

J’entame ce carnet du pôle. Cela fait un peu plus d’une journée que je suis arrivé sur la glace et j’ai déjà l’impression que plusieurs jours se sont écoulés. En mer lorsqu’on navigue, on perd déjà la notion du temps mais là c’est encore plus accentué. Est-ce à cause de la glace ? Ou bien est-ce parce que nous sommes arrivés directement ici par avion ? Je ne saurai dire pourquoi. Mais une chose est sûre, le dépaysement est total.
Le rythme reste pour l’instant assez proche de celui de Longyearbyen. Des sorties sur la banquise, ponctuées par de très bonnes collations préparées pour l’instant par l’intendante du bord, Marion. Le temps que les nouveaux arrivants prennent leurs marques.

La température a été toute la journée d’à peu près moins 10°C, mais nous sommes bien équipés. La morsure du froid ne se fait pas encore sentir. Selon les piliers du bord, ça chute régulièrement en ce moment et avec l’arrivée de la nuit polaire, les températures pourraient chuter rapidement.

Dimanche c’est aussi le jour du Banhā : le sauna russe. Température : + 80°C. Tout l’équipage se réjouissait dès le matin de profiter de cette distraction. Elle n’a lieu que deux fois par semaine, elle est donc très attendue. Après quelques minutes passées dans une chaleur étouffante, le jeu consiste ensuite à s’asperger d’eau glacée ou à se baigner carrément dans l’océan gelé. J’y gouterais bientôt, mais progressivement.

Je ne suis pas encore dans ma cabine définitive, en attendant le départ de l’équipe de télévision du Guatemala. Pour l’instant, je partage la cabine d’Audun, le norvégien. Je m’organise un peu comme je peux. J’essaye de ne pas trop éparpiller mes affaires, car ici dans le bateau on a vite fait d’en semer à droite et à gauche. J’ai hâte de pouvoir me construire mon petit univers. De ranger mes affaires. De me faire mon petit coin.